L’origine de l’expression ‘le client a toujours raison’ et son inventeur
Dans le commerce, certains préceptes se sont imposés avec une autorité presque indiscutable, imposant leurs règles jusque dans les rapports les plus quotidiens. Pourtant, derrière une formule devenue mantra, la réalité historique révèle des origines plus nuancées et un contexte bien moins consensuel qu’il n’y paraît.
Le slogan « le client a toujours raison » n’a pas surgi spontanément de l’air du temps. Son invention porte la marque d’une stratégie commerciale bien réfléchie, imaginée par plusieurs pionniers du secteur.
Plan de l'article
Une formule qui a traversé les époques : comment « le client a toujours raison » s’est imposée dans le langage commercial
La naissance de l’expression « le client a toujours raison » n’est en rien un accident. À Londres, au début du XXe siècle, Harry Gordon Selfridge s’en empare pour instaurer de nouveaux standards dans la relation entre commerçants et clients. Le commerce commence alors à placer le client au centre de toutes les attentions, au mépris des vieilles habitudes.
- Cette mise au premier plan du client marque une rupture totale avec les codes traditionnels du commerce.
La formule vogue rapidement au-delà de la Manche, s’infiltre à Paris et s’impose avec force dans le développement fulgurant du commerce de détail en France.
Mais Selfridge n’est pas seul à penser différemment. César Ritz propose une variante : « le client n’a jamais tort » dans l’univers feutré de l’hôtellerie de luxe. Marshall Field, à Chicago, choisit comme boussole de répondre toujours aux désirs du client. John Wanamaker, quant à lui, révolutionne l’expérience d’achat en donnant le droit au retour sans conditions, instaurant une idée nouvelle du service client. Ces figures ne se contentent pas de mots ; elles installent durablement la notion de client roi dans les pratiques commerciales. Aujourd’hui encore, nombre de marques s’en inspirent ouvertement.
Quelques aspects permettent d’appréhender la force avec laquelle cette idée s’est diffusée dans l’économie :
- L’émergence des grands magasins généralise l’expression et la notion de service standardisé.
- Affirmer que le client a toujours raison s’oppose directement au pouvoir arbitraire du vendeur et ouvre une nouvelle ère d’équilibre dans le commerce.
- La presse économique, à travers ses reportages et portraits, propage le principe de client roi dans les imaginaires collectifs du commerce moderne.
Une telle phrase ne traverse pas le siècle sans évoluer. Devenue une évidence, elle s’applique aussi bien dans la mode qu’à la restauration, du petit indépendant à la grande chaîne. La relation client s’institutionnalise, la satisfaction devient un objectif central qui façonne la réputation des enseignes. L’expression s’enracine, au point de sembler faire partie intégrante de toute expérience d’achat et de chaque stratégie de fidélisation.
Qui a vraiment inventé l’expression et dans quel contexte est-elle née ?
Retour à Londres, début du XXe siècle. Harry Gordon Selfridge, originaire de Chicago, inaugure en 1909 un grand magasin révolutionnaire sur Oxford Street. Sur la façade, on peut lire en lettres capitales : « le client a toujours raison ». L’idée est simple : offrir une garantie psychologique à une clientèle qui découvre la consommation de masse et doit apprendre à faire confiance aux enseignes.
Cette approche n’est pas sans racines américaines. Marshall Field impose dès la fin du XIXe siècle un nouveau dogme dans ses magasins : répondre à toutes les volontés du client, pour anticiper les besoins et créer une nouvelle relation commerciale. John Wanamaker, pionnier du service à la clientèle, va plus loin : il lance la possibilité de retourner un produit sans justification, rendant la notion de garantie tangible pour le client.
César Ritz, dans l’hôtellerie, préfère tempérer : « le client n’a jamais tort ». Qu’importe la formule exacte, l’intention reste la même : reconnaître au client un poids inédit dans l’appréciation du service ou de la marchandise. La contribution de Selfridge, elle, tient dans sa radicalité : il érige la parole du client en norme suprême, inversant la logique classique qui donnait toujours raison au vendeur.
Ce que révèle l’adage sur la relation client et ses limites aujourd’hui
Plus de cent ans après, la formule façonne encore le paysage du commerce mondial, du magasin londonien à la plateforme e-commerce. Mais à l’ère des feedbacks instantanés et des logiciels de gestion de la relation client, son application ne va plus de soi. Il faut aujourd’hui trouver un équilibre savant entre la satisfaction des acheteurs et la préservation des équipes au contact du public.
Voici quelques évolutions apportées par cette philosophie :
- La personnalisation est devenue un leitmotiv, portée par des outils comme Zendesk ou Apizee : chaque demande est tracée, analysée et traitée au cas par cas pour répondre au mieux aux attentes, tout en veillant à la cohérence de l’ensemble.
- La gestion de la relation client ne se fait plus sans technologie : automates conversationnels, assistance vidéo, et plateformes pilotant chaque interaction centralisent aujourd’hui le parcours client.
Amazon, sous l’impulsion de Jeff Bezos, érige la satisfaction client en pilier stratégique, mais promettre une réponse rapide ne suffit plus. Les analyses de cabinets spécialisés et d’instituts internationaux mettent en avant l’impact de l’engagement salarié sur la fidélité client. Un employé qui se sent soutenu délivre une expérience de meilleure qualité. Désormais, maîtriser la gestion de conflit devient une nécessité : écouter sans céder à tout prix, préserver l’équilibre entre exigences du public et respect des équipes.
En 2024, la notion de client roi prend une autre teinte. Donner toujours raison, ce n’est plus l’objectif recherché. Ce qui compte : un dialogue sincère, une écoute active et une volonté constante de progresser pour bâtir la confiance, chaque jour. Si l’adage a définitivement montré ses limites, il reste en filigrane dans la plupart des échanges, du sourire échangé à la caisse au message envoyé sur un chat de support. Faut-il réellement en finir avec cette vieille rengaine ou lui donner un nouveau sens ? Finalement, chaque interaction y répond à sa façon.
